On parle souvent de l’économie transfrontalière.
On parle d’emplois, de mobilité, de salaires, de circulation.
Mais on parle très rarement de ce qui se vit dans la réalité quotidienne, dans les parkings, les rues, les quartiers, les entreprises.
Il existe aujourd’hui, à Genève et dans les communes environnantes, une inégalité de traitement silencieuse, mais profonde, entre ceux qui vivent ici et ceux qui viennent seulement y travailler.
Elle n’est pas théorique.
Elle est concrète.
Elle se ressent chaque jour, sur le terrain.
1) Les parkings : quand la distance devient un privilège
Dans plusieurs entreprises, une règle s’est installée :
Les places de parking sont réservées à ceux qui habitent à plus de 30 km.
En théorie, cela semble logique :
réserver le parking à ceux qui ne peuvent pas venir autrement.
En pratique, cela signifie souvent ceci :
- Celui qui habite à Genève ou dans sa région
- Celui qui paie ses loyers ici
- Celui qui finance les infrastructures locales
- Celui qui vote et vit ici
→ n’a pas de place.
Et celui qui vit au-delà de la frontière,
celui qui ne paie ni impôt communal, ni taxe automobile suisse,
celui qui fait sa vie, ses courses, sa consommation ailleurs,
→ garde la place.
Ce n’est pas une guerre.
Ce n’est pas une attaque.
C’est un fait.
Et ce fait crée une question simple, mais lourde :
Comment expliquer à quelqu’un qui vit ici qu’il n’a pas sa place… chez lui ?
2) La taxe automobile : payer pour respirer
Les propriétaires de voitures avec plaques suisses ont vu ces dernières années l’impôt automobile augmenter fortement.
Dans certains cas, presque tripler selon la catégorie du véhicule.
Les arguments sont connus :
- limiter la pollution
- encourager des voitures moins lourdes
- financer les infrastructures
Très bien.
Responsabilité collective, écologie, cohérence.
Personne ne conteste l’enjeu.
Mais le frontalier, qui effectue plus de kilomètres en territoire suisse chaque jour,
et génère une partie importante du trafic,
ne paie rien de tout cela.
La charge environnementale est collective.
La charge fiscale, elle, devient unilatérale.
Ce n’est pas du rejet.
C’est un déséquilibre, clair comme l’eau.
3) Les macarons de parking : les résidents à pied, les pendulaires garés
Dans plusieurs communes près de Genève, on voit désormais des macarons de stationnement délivrés aux plaques étrangères.
Où est le problème ?
Le macaron est à l’origine un droit local, destiné à ceux qui :
- vivent dans la commune
- y payent des impôts
- y soutiennent l’économie
- y circulent à pied
- y élèvent leurs enfants
Ce macaron n’est pas un simple sticker.
C’est un droit d’habiter.
Quand ce droit est accordé à ceux qui n’habitent pas la ville,
ce ne sont pas les frontaliers qui sont en tort,
ce sont les autorités qui renoncent à protéger la vie locale.
Et pendant ce temps :
- des résidents tournent en rond
- certains se garent à des kilomètres
- des familles déposent leurs enfants en stress
- des commerçants perdent leur clientèle de proximité
La ville cesse d’être vécue par ceux qui y vivent.
4) Ce que cela produit : un mal-être silencieux
Ce n’est pas de la haine.
Ce n’est pas de la jalousie.
Ce n’est pas de la fermeture.
C’est un sentiment d’injustice.
Un sentiment de plus en plus répandu :
Celui qui vit ici paie davantage, reçoit moins, et doit s’adapter.
Celui qui vient, passe et repart,
profite du meilleur,
sans contribuer au coût réel de la vie commune.
Ça ne crée pas du conflit.
Ça crée de la fatigue.
Une fatigue qui s’accumule, jour après jour.
5) Conclusion : L’égalité n’est pas contre quelqu’un. Elle est pour tous.
Rechercher l’équité, ce n’est pas rejeter.
C’est rappeler que la vie commune repose sur une règle simple :
Même lieu, mêmes droits, mêmes devoirs.
Si l’on veut garder une ville vivante,
une économie locale solide,
des quartiers habités,
des commerces ouverts,
des familles ancrées,
alors il faut traiter le résident comme celui qui fait vivre le territoire,
et non comme une variable d’ajustement.
Ce n’est pas un combat contre les frontaliers.
Ce n’est pas un combat contre les entreprises.
C’est un appel à rééquilibrer le sens du mot communauté.
Ceux qui vivent ici ne demandent pas des privilèges.
Ils demandent simplement leur place.